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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 15:11

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Si certains partaient vers "Les Frances"  avec une lanterne magique, beaucoup avaient la réputation de musiciens vielleux (joueurs de vielle à roue) et tous se dirigeaient le 1e novembre vers de grandes villes, PARIS en général, où ils chantaient en s'accompagnant de la vielle, souvent avec une marmotte à qui  ils avaient appris à danser.

 

Ne restaient au village que les vieillards, les enfants et les femmes. Leur occupation principale consistait à tricoter gilets ou chaussettes, au chaud dans l'étable, qu'ils allaient vendre à la fonte des neiges en colonnes muletières à BARCELONNETTE ou autres villages de l'Ubaye. La laine de ce village avait la réputation d'être la plus belle du comté de NICE.

Saint-Dalmas avait une particularité, peu appréciée de ses voisins: Bêtes et humains cohabitaient dans la même maison, ce qui était un avantage en hiver (les habitants se réfugiant au chaud dans l'étable!). Dès qu'il pleuvait, le passage des cheptels dans les rues les transformaient   en véritables cloaques à cause des bouses de vaches ou crottes de mouton . Ce village n'avait pas une réputation de propreté, et il fallut attendre 1900 et les années suivantes pour que les rues soient enfin pavées !

 

Le 1e novembre, après une messe solennelle sur la place du village, tout ce monde partait vers la France par un col qui  communique avec la haute vallée du Var (village d'ESTENC). Son patronyme actuel est "col de GIALORGUES". 

L'étymologie de ce lieu-dit a un rapport étroit avec la vielle . Il n'y pas de date précise, mais très anciennement, une caravane formée d'hommes avec vielles et marmottes dans leurs caisses s'est laissée surprendre par une avalanche.Ce ne fut qu'au printemps suivant, à la fonte des neiges, que furent retrouvés les corps, les débris d'instruments et les marmottes gelées dans leurs caisses. Le col où s'est produite la catastrophe a porté le nom, en patois francisant de "gialo-orgues" . (gèle-orgues). La vielle à roue était parfois appelée à tort "orgue", ou encore "viola"

en gavot. Le toponyme actuel, après transcription par des officiers du service géographique des armées lors du rattachement à la France de 1860, est "Gialorgues".

 


 

Les ingrédients traditionnels des colporteurs Savoyards:                                                       

lanterne magique,orgue portatif et marmotte dans sa caisse  et la dernière vielle à roue de Saint-Dalmas-Le-Selvage

 

 

                                                                                                                                                                 vielle barbera                 lanterne magique                      

 

  Laissons la parole à J.E. FODERE, chirurgien des armées napoléoniennes et créateur de la médecine légale, qui vécut à Saint-Dalmas en 1804:

 

                            "Montrer la marmotte, décrotter, ramoner et autres petites industries que se sont appropriées ceux qui descendent des montagnes de Barcelonnette, de la Savoie, de l'Auvergne, etc...  sont inconnues par ici; mais les habitants de la haute vallée de la Tinée ont un autre talent bien plus agréable. Ils apprennent de bonne heure à jouer de la vielle et d'autres instruments, avec lesquels ils vont dans les villes de France éxécuter cette musique ambulante qui interrompt souvent délicieusement le repos de la nuit. Leurs oreilles son accoutumées dès l'enfance à l'harmonie et l'on voit les enfants tressaillir en apercevant une vielle entre les bras de leur père. J'étais à Saint-Dalmas la veille du départ de la caravane : le maire, vieillard respectable chez qui j'étais logé , avait fait signe à ses enfants et à toute cette jeunesse qui allait partir; au milieu du dîner, j'entendis une musique ravissante (qu'on me passe le terme), éxécutée par un grand nombre d'instruments, qui me délassa de toutes mes fatigues, qui me fit oublier la neige tombant à gros flocons, et l'horrible situation de ce village. Le lendemain, il n'y avait plus que les vieillards, les femmes et les enfants. C'est ordinairement le 1e novembre que le départ a lieu, et le retour le 1e mai.

Cet usage est extrêmement ancien et des vieillards de quatre-vingt ans m'en ont parlé comme d'une chose déjà pratiquée par leurs ancêtres " .

 

C'est cette tradition qui laissa beaucoup de traces à Paris au XVIIIe siècle, où les "petits Savoyards" étaient très appréciés pour leur courage. Ils étaient aussi surnommés "pauvres de dieu"

 


                              78677132drouais-jpg

 

                        Les fils du duc de Choiseul déguisés en Savoyards 

 

 

 

                                          vielle St-D.

                                           La vielle n'est pas encore morte  !          (2010) 

vielle à roue 007

    La dernière vielle organisée du village (avant 1939) 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Cet instrument ayant un son grinçant particulier,les appréciations le concernant sont très contradictoires. On l'aime pour toujours ou on le déteste à jamais.

La description de George Sand (Le meunier d'Angibault) sur les deux seuls instruments à bourdons,  jouant très souvent ensemble, procure la nostalgie d'une époque révolue, mais combien romantique !

 

             Le son de la cornemuse uni à celui de la vielle, écorche un peu les oreilles de près, mais de loin cette voix rustique chante parfois de si gracieux motifs  rendus plus originaux par une harmonie barbare, a un charme qui pénètre les âmes simples, et qui fait battre le coeur de quiconque en a été bercé dans les beaux jours de son enfance.

            Cette forte vibration de la musette, quoique rauque et nasillarde, ce grincement aigu et ce staccato nerveux de la vielle, sont faits l'un pour l'autre et se corrigent mutuellement. L'éloignement leur donne plus de charme et vous entraîne dans le rêve d'une vie pastorale.

 

Cette expatriation traditionnelle est encore illustrée par le "passe-port"  (en deux mots), obtenu le 07 mars 1809 et délivré par la commune d'AURILLAC (Cantal) à :

 

         Jean ANOGE, joueur de vielle, natif de Saint-Dalmas-Le-Sauvage et y demeurant

Ce document devait être obtenu dans chaque ville traversée. pendant leurs pérégrinations. On était rigoureux à l'époque !

Il déclare vouloir se rendre à Barcelonnette   (Basses-Alpes), ville proche de Saint-Dalmas-Le-Selvage. Les autochtones faisaient couramment l'aller-retour dans la journée. Il est âgé de 43 ans, mesure 1mètre 70, a les cheveux chatain, le front large, le nez gros, la bouche moyenne,la barbe chatain, le menton rond, le visage ovale et le teint coloré. Signes particuliers:  Une cicatrice au menton du côté droit

La photo n'existait pas, mais la description est très précise 

 

numerisation0003.jpg 

 

 

 

 

 

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  • : L'expatriation vers la France, pendant l'hiver, due aux conditions climatiques et à la misère, d'une partie de la population d'un petit village des Alpes du sud.
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